Recentrer les jumelages avec les villes Israéliennes et Palestiniennes
Quarante-trois villes françaises gèrent leurs jumelages avec autant de villes israéliennes et douze autres avec des villes palestiniennes.
Ces jumelages ont-ils un quelconque effet sur le conflit israélo-palestinien et les conséquences de ce drame ? Comment de tels jumelages avec pour objets le tourisme, la culture ou l’éducation, pourraient-ils s’affranchir d’une situation où la force des uns et le désespoir des autres se conjuguent ? Ceci aboutit à blesser à vie ou faire mourir tant d’innocents. Comment s’en affranchir et prétendre atteindre, dans leur être ou dans leur pouvoir, quelques coupables ?
Comment, par exemple, peut se justifier dans un tel contexte le jumelage universitaire entre Grenoble et Rehovot ? Car aujourd’hui à Gaza, les écoles et les quatre universités gazaouis ne sont plus que décombres recouvrant des cadavres. Tsahal a éliminé plus de 300 enseignants, dont les présidents des universités. Malgré les plus de 15 000 enfants palestiniens tués, 700 000 survivent encore, traumatisés. Mais ils n’ont plus d’écoles.
Que faire de ces jumelages ?
Il est donc plus que temps de revoir la finalité de ces jumelages. Peut-être, par exemple, pourraient-ils être le vecteur idéal pour acheminer l’aide humanitaire ! Pensons aux gazaouis et autant de Palestiniens de Cisjordanie qu’entravent grillages et check-points. Il y a aussi la possibilité de l’aide scolaire et universitaire. Car à ne pas s’interroger sur leur finalité, à ne pas leur donner cette priorité humanitaire, ces jumelages courent le risque de la complicité. Celle de la reconnaissance du fait accompli en 1948 qui, contre le vote de l’ONU, a vu l’état d’Israël se construire à coup d’expulsions et de massacres de populations palestiniennes.
Une injustice historique…
C’est l’aboutissement du Plan de Partage préconisé par la puissance mandataire britannique. Et, c’est bien ainsi que s’est créé cet état voulu pour les juifs en excluant les indigènes palestiniens. Alors qu’à la même époque et sous la pression du mouvement sioniste, une alternative a été refusée : le Plan pour Un Etat. Or ce plan, démocratie oblige, était assujetti à un référendum concernant la gouvernance. Il était gagné d’avance par les Palestiniens.
Après avoir refusé cette alternative, David Ben Gourion, le fondateur d’Israël poursuit sa politique démographique. Elle consiste à repousser les autochtones palestiniens pour préserver la judaïté du pays. Son commandement n°40 du 25 novembre 1948 n’ordonne-t-il pas : Chassez, expulsez, tuez ! Jamais abrogé, c’est ce même commandement qui s’applique sous nos yeux à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem Est.
… devenue structurelle
Mais aujourd’hui, le monde se soulève contre la politique israélienne de colonisation. Ce soulèvement ne cible pas seulement Benyamin Netanyahou, mais la politique coloniale meurtrière de tous les gouvernements précédents, aussi bien de droite que de gauche. Avec son projet Pour la colonisation à Jérusalem-Est en 1999, Ehud Barak, du Parti Travailliste, fait sans doute mieux que Benyamin Netanyahou.
Si chacune de ces villes israéliennes jumelles a sa propre histoire, toutes ont le colonialisme pour point commun. Elles ont, pour la plupart, servi de Base de transit pour répartir les colons venus en majorité de pays européens.
Cette injustice du Plan de Partage est depuis 1948 le ferment actif des inévitables échecs du sionisme. Lesquels sont l’échec colonial depuis 1917, les échecs sécuritaire et militaire aujourd’hui, et les échecs démographique et sociétal. La sortie de l’enfer actuel n’est pas dans l’anéantissement des uns ou des autres. Sionisme et islamisme ont, l’un comme l’autre et d’ores et déjà, fait leurs preuves de projets nihilistes.
Sortir de l’impasse !
Jusqu’où ces deux peuples iront-ils dans leur sacrifice mutuel ?
Que faire pour reconnaître que l’imbrication autant de leurs histoires que de leurs territoires les condamne à se doter d’un projet commun ?
Comment, d’un côté, rendre au peuple palestinien ses droits sur sa propre terre et comment, de l’autre, réhumaniser les jeunes israéliens déchainés dans leur volonté d’anéantissement ?
Quelle initiative va rendre aux uns leur dignité et aux autres une raison d’être ?
Ne faudrait-il pas traiter le défi à sa source ?
Laquelle est une profonde transformation à la fois de l’Etat d’Israël et de la Gouvernance Palestinienne.
Transformation à laquelle les jumelages inter-villes doivent pouvoir contribuer.
Renouveler les jumelages
Dans le cas présent, les échanges inter-villes sociaux, éducatifs, culturels, se font sur un fond d’injustice structurelle. Ceci est en contradiction avec les principes et objectifs de partage de valeurs entre villes. Fournir des armes et des technologies tue et le jumelage accrédite le tueur : une contradiction dorénavant insupportable.
Dans l’immédiat, pour assurer une rentrée scolaire pour les 800 000 enfants de Gaza, il s’agit de fournir des classes en préfabriqués, de les approvisionner en eau et électricité, et d’y missionner des enseignants arabophones. Ces derniers sont disponibles auprès des « arabes israéliens » des villes israéliennes jumelées.
Est-ce suffisant pour aller vers une Paix équitable et durable ?
Aidé ou pas à le faire par ces jumelages, Israël a, pour sa part, plusieurs décisions à prendre et actions à conduire pour sortir d’une impasse infernale, parmi lesquelles :
Faire son devoir de mémoire et juger ses criminels,
Abroger le commandement n°40 et le processus de colonisation,
Lever les check-points pour briser le mur de séparation,
Libérer les millions de palestiniens pris en otages,
Indemniser les Palestiniens lésés depuis 1948,
Travailler ensemble pour un avenir commun,
…/…
Comment dans ces villes israéliennes et palestiniennes jumelées à des villes françaises, trouver mieux qu’ailleurs les acteurs de la mise en œuvre de tels moyens ?
Car il faudra qu’advienne ce jour où, parvenus au bout du chemin de la mort, les uns et les autres, de part et d’autre du Jourdain, consentent enfin à emprunter le seul chemin encore possible : le chemin de la vie.
Adel Paul BOULAD
Consultant International Diversité & Performance
Auteur du livre, « Palestine, fin du mécanisme du rejet. Chroniques d’un militant pour un nouvel horizon »