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Gaza, les atouts des ressources naturelles au service des deux peuples – N°1/ 3 Les minerais

By 16 janvier 2024 7 Comments

La Méditerranée orientale bénéficie d’un ensoleillement élevé, plus de 300 jours par an, à comparer à 60 pour la France. Les côtes du Golfe d’Aqaba, accès à la Mer Rouge, sont à moins de 300 km. Cela génère un régime éolien puissant et continu.

Cette position géographique offre d’importantes énergies renouvelables, solaires et éoliennes. Elles sont à portée des technologies et des financements.

Les garanties bancaires (Bonds) apportées par les USA à Israël, et interdites pour les palestiniens, font le reste. Le déséquilibre énergétique en découle.

Par ailleurs, cette même région comporte des ressources naturelles remarquables : les minerais, l’eau, les terres arables, le gaz…

Sont-elles exploitées équitablement, dans le respect du droit international ?

 

Contexte géologique et géomorphologique de la région

Pour financer mes études (1971-1977) en vue d’une thèse en Géochimie Fondamentale, je travaille à temps partiel à l’Institut de Physique du Globe – Paris.

Le CNRS – Institut National d’Astronomie et de Géophysique finance mes vacations. Guy Perrier directeur de recherches me supervise. Pour ses travaux, je mesure les temps d’arrivée des ondes P et S sur les sismographes. Ces tracés sur papier résultent d’une démodulation d’enregistrement audio des vibrations de la terre, séismes compris.

L’étude concerne l’océan en formation au sud de la mer Rouge[1], dans le Golfe de Tadjoura. Si la dorsale de l’Océan Pacifique s’ouvre à la vitesse de 20cm/an, celle de Tadjoura est de 5mm/an. Néanmoins, en 2005 un épisode de « rifting » (distension de la lithosphère, formation du rift) a eu lieu en Ethiopie. En trois semaines, il a ouvert la terre de 5-6m sur 60 km de long. Ces mouvements tectoniques sont aussi à l’origine de petits volcans en Mer Rouge, au détroit Bab El Mandeb, face à Aden[2]. C’est l’endroit même des attaques des Houthis, yéménites chiites, contre les navires qui transitent par le Canal de Suez.

 

Ce même système tectonique s’étend par une longue faille « Levant fault »[3] qui remonte par le Golfe d’Aqaba jusqu’en Anatolie. Les séismes de 2023 en Turquie et en Syrie ont provoqué plus de 60 000 morts, et des décalages de plusieurs mètres sur des dizaines de kilomètres.

 

 

La faille « Levant fault », environ 1200 km de long, est en distension.[4] La plaque Arabie pivote vers le Nord-Est. Le pôle géométrique du pivot est à Damiette, branche Est du Nil. Ce pivot a créé le Graben (fossé d’effondrement) de la Mer Morte et celui de la Bekaa au Liban. A la vitesse actuelle, en un million d’années et sans épisode de « rifting » brutal, le « Levant Fault » aura provoqué un décrochement de 5km, 50 km en 10 millions d’années. Une des conséquences possible est la jonction de Mer Rouge avec la Mer Méditerranée, avec la disparition de cette région sous les eaux.

En attendant, « business as usual », des richesses naturelles sont disponibles : le sol, les mines, le gaz, l’eau, le soleil, le vent.

Les richesses minérales

 

Le désert du Néguev

Au nord-est du Néguev, le centre nucléaire de Dimona est établi depuis les années 50, dans la partie nord-est du Néguev. A moins de 30 km à l’ouest, la ville moderne de Beersheba en devient la capitale administrative, et universitaire. Les sociétés de technologie s’y développent, notamment dans les domaines militaires, nucléaires, cyber sécurité, aussi l’agriculture en zone aride.

En termes de géomorphologie[5], le grès, le calcaire et le gypse composent les sols du centre du Néguev. Plus au sud, les sols sont de type lœss, alluvions et argiles (montmorillonite).

La mer Morte

La mer morte dispose d’une richesse minérale considérable et unique. Elle est composée de plus de vingt minéraux. En tête de liste nous trouvons, le Magnésium, le Calcium, le Brome et le Potassium. A ceux-là, s’ajoutent le Cuivre, le Zinc, le Chlore, le Sodium, le Fluor, le Phosphore, le Fer, les Sulfates, le Bicarbonate, le Bromure, le Chrome, le Cobalt, l’Iode, le Manganèse, le Molybdène, le Nickel, le Sélénium, le Strontium, le Soufre, et le Vanadium

L’ensemble de ces minéraux, dont certains difficilement trouvables ailleurs dans le monde se destinent notamment à l’industrie cosmétique, pharmaceutique et parapharmaceutique.

Les Palestiniens sont exclus de l’exploitation et des bénéfices générés. Les profits vont aux entreprises et à l’administration civile israélienne. Cette dernière a encaissé près de 200 millions de dollars de droits et redevances entre 2009 et 2020.

La zone C en Cisjordanie.

La zone C représente 61 % de la superficie de la Cisjordanie. C’est la seule zone contigüe reliant 227 localités de plus petite taille. Malgré les Accords de paix d’Oslo de 1993 qui le stipulaient, cette zone n’a jamais été transférée à l’Autorité palestinienne. Les géologues et les économistes spécialistes des ressources naturelles ont confirmé que son sous-sol recelait des réserves importantes.

Sur l’ensemble de la Cisjordanie, les sociétés de carrière israéliennes extraient environ 17 millions de tonnes de pierre par an. Le droit international interdit toute exploitation à son profit, par une puissance militaire exploitant économiquement un territoire occupé. C’est le cas pour Israël qui s’approprie la quasi-totalité des pierres extraites pour ses propres constructions.

Le communiqué de presse du 8 octobre 2013 de la Banque Mondiale indique que plus de la moitié des terres de Cisjordanie, dont une bonne partie est riche en ressources et arable, sont hors d’accès pour les Palestiniens. Dans son rapport, la banque précise que le manque à gagner s’évalue à environ 3,4 milliards de dollars pour l’économie palestinienne.

D’après les rapports annuels de la CNUCED (La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement), les restrictions actuelles dues à l’occupation israélienne empêchent le développement notamment des entreprises agricoles, et l’exploitation minière des minerais dans la Mer morte, les mines de pierres et les carrières, et la construction.

Le plan israélien de l’exploitation indue en cours s’appuie sur le potentiel minier de la Cisjordanie pour les 30 prochaines années.

A suivre avec les défis de l’eau, des terres arables, du gaz, du nucléaire, des énergies renouvelables et des ressources humaines …

 

 

[1] Topographie et déformation tridimensionnelle du Rift d’Asal (Djibouti) : de la disparition d’un volcan à la naissance d’un océan par Jean-Bernard De Chabalier sous la direction de Jean-Claude Ruegg – Paris 7. Soutenue en 1993

[2] Pénétration de la dorsale d’Aden dans la dépression Afar entre 20 et 4 Ma, par Laurence Audin sous la direction de Paul Tapponnier et de Vincent Courtillot . – Paris 7.Soutenue en 1999

[3] Quantification of the tectonic uplift in the Gulf of Aqaba, Levant fault

par Matthieu Ribot sous la direction de Yann Klinger et de Edwige Pons-Branchu. -. 22-01-2021. Sciences de la terre et de l’environnement et physique de l’univers. Université Paris Cité. (Aqaba, Bathymétrie, Mer Morte, Tectonique, Zones de failles)

[4] Le chevauchement de Tripoli-Saïda : croissance du Mont-Liban et risque sismique, par Ata Elias sous la direction de Paul Tapponnier – Institut de physique du globe (Paris ; 1921-….). Thèse soutenue en 2006

[5] Questions de géomorphologie en Israël. J. Dresch. Bulletin de l’Association de Géographes Français. 1967

7 Comments

  • Hacker Bernard dit :

    Très intéressant.
    Bravo..
    Une idée :
    Une zone d eau traversante , un canal reliant la Méditerranée, le Jourdain,
    Jusque la mer rouge….de quoi dynamiser l économie. …..des ports…
    Du trafic maritime, un réservoir d eau circulant alimentant l agriculture, le long du canal,
    Et des berges de chaque côté,, avec des zones
    touristique (plages, hôtels, habitations, commerces etc….)!!!!!
    Un projet énorme d activité pour des décennies .??!!
    De l espoir, un « Dubai » accessible , du travail,
    Un exemple de passage de l enfer à la paix active?????
    L eau, l eau l .eau……partagée organisée….
    Cher? ah oui, très cher.
    Mais :
    La vie !!!!!!!!!

    • A.P. boulad dit :

      Modulo que le mélange d’eau salée avec de l’eau douce est à éviter … le reste est juste à portée de prise de conscience et de bonne volonté.
      Les forces contraires sont celles du “confort” du connu dans lequel le mot “impossible” règne.
      Hier au cours d’un entretien historique, j’ai entendu le summum “Il faut attendre que Dresde se fasse, on verra après”.

      • Hacker Bernard dit :

        Merci Paul.
        Dresde !!cett évocation de rasage aveugle , fait remonter le souvenir de mon père, parti avec les convois américains, pour une mission de libération des camps d extermination ! En même temps libération et destruction !si proche……

        • A.P. boulad dit :

          DRESDE, 1945 : 35000 civils allemands tués à Dresde avec près de 7000 tonnes de bombes jetés par les avions britanniques et américains.
          GAZA, 2023 : 25000 civils tués à Gaza avec plus de 60 000 tonnes de bombes à Gaza, surtout Gaza Nord. C’est l’équivalent de trois bombes nucléaire de calibre “Hiroshima” sans les retombées radioactives.

  • Hacker Bernard dit :

    Ah oui le mélange eau salée et eau douce ne font pas bon ménage, sauf en cuisine !
    Mais tu vas aborder prochainement la suite des ressources ?
    Le nucléaire ? Les installations de desalinization existent déjà (?).
    Un petit canal d irrigation?!
    J ai déjà vu cela dans pas mal de pays et construit avec peu de moyens.
    Bon il faut gérer entretenir etc……..et bien justement un job important pour l enjeu global?!
    Bernard

    • A.P. boulad dit :

      La prochaine traitera du Gaz. Elle évoquera l’énergie nucléaire déjà traitée en oartie dans la chronique “Gaza, bombe nucléaire évitée de justesse”. Elle évoquera aussi les énergies renouvelables. La région est “noyée de vent et de soleil: autant en profiter et paratger équitablement cette richesse !

    • A.P. boulad dit :

      Oui les usines israéliennes de désalinisation existent. Il était temps !
      Elles fournissent l’eau nécessaire après l’épuisement des eaux du Jourdain asséché suite au détournement de la rivière par les israéliens.
      La “nouvelle” eau est vendu aux Palestiniens à quatre fois le prix de celui accordé aux colons israéliens installés illégalement en Cisjordanie.

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