
Gaza, Anesthésie & Amnésie françaises[1]
Pour une même intention, entre cette chronique de plus de 2000 mots et un sketch de moins de 6 minutes, profitez des deux formes du message !
Ceux qui préfèrent écouter un sketch, consultez cette vidéo de Radio Nova avec le fameux sketch de Pierre-Emmanuel Barré. Cliquer ici
Cette chronique présente neuf injonctions et discours pré-maché; puis une manière de sortir du piège.
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Utiliser les appellations « bande », « enclave » pour Gaza
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Promouvoir la solution à deux états
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Qualifier l’ONU et les ONG locales de « vendus »
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S’extasier devant les prouesses techniques d’avant-garde criminelles de Tsahal
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Traiter différemment les victimes, des photos pour les uns et des chiffres pour les autres
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« Prendre de la hauteur », faire de la géopolitique
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Parler de « guerre propre » et déplorer les « inévitables » dégâts collatéraux
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Appeler au Droit International
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Demander le cessez-le feu
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Comment sortir la France de son anesthésie & amnésie ?
Le Constat
Ça y est, les médias lâchent enfin les documents qu’ils ont gardé sous le coude depuis un an.
Avez-vous vu les reportages dramatiques des Palestiniens vivants dans les décombres, sous les tentes, sans eau ni électricité, la gale, le sabotage cynique du réeau d’alimentation en eau, les maladies, etc.
Néanmoins la menace continue de rôder : comment exercer une pensée critique[2] tout en évitant l’accusation d’antisémitisme ? Cette pressin de la propagande militaire israélienne aboutit à une attitude paralytique désincarnée sur le sujet Palestine.
La camisole médiatique
Les photos des otages israéliens s’affichent partout, tant à Tel-Aviv qu’à Charenton. Leurs visages sont connus, leurs noms aussi. Les photos des 33 enfants israéliens tués le 7 octobre tiennent sur un poster.
Comment faire pour les plus de 13 000 enfants palestiniens tués par les snipers, les tankistes et les bombardements aveugles de l’armée israélienne.
Utiliser les appellations « bande », « enclave » pour Gaza
Ces deux appellations invitent à une élimination : se débarrasser de la bande (sparadrap du Capitaine Haddock), et extirper l’enclave (un corps étranger). A y réfléchir, ce terme d’enclave ne s’appliquerait-il pas à Israël, corps à la peine en termes d’intégration régionale !
Ces deux appellations effacent de notre mémoire la succession de spoliations et de guerre depuis 1948. Elles ont repoussé vers le sud, et concentré à Gaza les populations « indésirables » en Israël pour y être coupées du monde démunis de moyens de vie, éliminées.
A la manière des colons américains, enfermant les indiens dans des “réserves” coupés de leurs territoires de vie, de chasse …De chez eux!
En 2008-2013, Gaza s’appelait « prison à ciel ouvert ». En 2014, elle prend le statut de « cimetière à ciel ouvert ». Depuis peu, Gaza pourrait se nommer « camp de concentration », « camp d’extermination », voire « camp de déportation ». Il y a aussi tout simplement le terme de « territoire ».
Promouvoir la solution à deux états
Comment imaginer un état Palestinien sans frontières continues ni contigües ? L’hypothétique état de Palestine est en trois morceaux : Gaza et Jérusalem-Est et la Cisjordanie. Gaza est une zone de survivants traumatisés errants dans les décombres[3]. L’expulsions des Palestiniens est monnaie courante à Jérusalem-Est. La Cisjordanie occupée illégalement par 800 000 colons vit sous occupation-apartheid.
Malgré l’ineptie de cette idée, elle demeure. Elle reste enfermée dans cette boîte mentale de la solution à deux états : stupéfiant !
Personne n’ose sortir de la boîte et poser la question d’un SEUL ETAT : « la pensée out of the box ». Pourtant un seul état serait légitime pour réparer l’injustice structurelle initiale et pour emmener les peuples dans une nouvelle ambition bénéfique pour tous.
Qualifier l’ONU et les ONG locales de « vendus »
L’ONU et les ONG parlent des réalités du terrain : cadavres, décombres, maladies, malnutrition, etc.[5] Dire que les agents de l’ONU en charge des réfugiés palestiniens, l’UNRWA, sont des terroristes est un permis de tuer. Ce 4 octobre 2024, Israël déclare M Guterres, Secrétaire général de l’ONU « Personae non grata »[6] .
Quid des dizaines de milliers de réfugiés errant dans les décombres ?
La propagande pousse à oublier que l’armée israélienne a tué plus de 220 membres de cette agence onusienne. Que, les tankistes et les aviateurs israéliens ont bombardé plus de 140 de ses centres, dont de nombreuses écoles.
Le summum de l’amnésie, c’est oublier le vote de l’ONU en 1947. C’est ce vote par 33 états (coloniaux et leurs affidés) qui a validé le plan pour la création d’Israël. ET, ce sont les organismes de l’ONU (UNRWA…) qui portent à bout de bras la gestion des millions de réfugiés palestiniens chassés de leur terre.
S’extasier devant les prouesses criminelles de Tsahal & Mossad
Les uns s’extasient et spéculent sur l’utilisation des nanotechnologies par le Mossad pour tracer les cadres du Hezbollah. Les autres pensent à un maillage informationnel traité par l’intelligence artificielle. Les « spécialistes en explosif » débattent avec les « spécialistes en vecteur » pour comprendre comment les avions de Tsahal[7] ont détruit un abri en béton enfoui à plus de 30 mètres de profondeur. Les spéculations et l’extase à propos de la prouesse israélienne, y compris de tuer des civils innocents sans que personne n’y trouve à redire, « bippers & talkie-walkie » occupent des pages de presse et des heures de médias. Qu’en est-il d’une paix équitable et durable ?
La « prouesse » stratégique efface de la mémoire toute trace de victimes civils, femmes et enfants présents dans les marchés, les magasins, la rue, chez eux … Les oeillères masquent le côté aveugle et criminel de celle-ci.
Les spéculations et l’extase à propos de ladite prouesse israélienne « bippers & talkie-walkie » occupent des pages de presse et des heures de médias, tout en masquant l’essentiel :
Les morts !
« L’extermination de masse » dans et hors des « camps de réfugiés »
Qu’en est-il du débat pour construire et formaliser une paix équitable et durable ?
Traiter différemment les victimes, des photos pour les uns et des chiffres pour les autres
Une photo sensibilise, elle émeut. Un chiffre, c’est une abstraction.
Qui a vu une quelconque photo ou nom ?
Hamas annonce 42 350 morts. Les rapports scientifiques dont celui du LANCET, annoncent plus de 186 000 morts. Ces rapports intègrent les cadavres sous les décombres, les décès des milliers de blessés graves. Impossible de les soigner par le manque de matériel et de soignants eux-mêmes tués. 42 000, 186 000 cela reste abstrait.
Le Palestinien en devient un concept, une abstraction. Elle s’élimine sans dommage, sans émotion.
« Prendre de la hauteur », faire de la géopolitique
Les journalistes des plateaux, les analystes, les « Think Tank » nous emmènent dans des spéculations sur les stratégies, les poids des uns et des autres, les intérêts mutuels, etc. Les spéculations font rêver, fantasmer, très loin des réalités. Ce mécanisme donne de l’importance au débatteur, il devient le centre. Cette méthode chloroforme, elle détourne du drame Palestinien.
Ce jeu intellectuel élimine du paysage et de la mémoire l’éradication génocidaire en cours à Gaza, et celle non moins violente mais à bas bruit en Cisjordanie.
Parler de « guerre propre » et déplorer les « inévitables » dégâts collatéraux
La propagande ressasse : « De mémoire d’homme, Tsahal est l’armée la plus humaine ». “Elle prévient avant de frapper”. Un tel sédatif est rare et culoté. Et ça marche ! De surcroît le terme « inévitable » neutralise toute velléité de critique.
Oublier que c’est la Doctrine Dahiya[10] qui est à l’œuvre. Dans un but de dissuasion, cette doctrine prône un usage de la force « disproportionné » contre des zones civiles servant de base à des attaques. Il n’y a plus de de distinction entre cibles civiles et militaires. A Gaza, sous 35 000 tonnes de bombes, comme à Dresde en 1945, la 1ère phase a tué en 3 semaines plus de 30 000 civils, dont les 2/3 sont des femmes et enfants.
La propagande nous fait oublier que L’armée israélienne est le spécialiste de l’attaque ciblée et chirurgicale, alors même que la contradiction est en cours sous nos yeux, des attaques ciblés et celle de masse, en même temps.
Aujourd’hui, les civils survivants sont repoussés du nord vers la frontière avec l’Egypte, et vice et versa. A chaque déplacement, tirs de snipers et bombardements aveugles éliminent des civils, détruisent les infrastructures de vie.
A ce stade, il ne s’agit plus de dissuasion mais de liquidation du Peuple Palestinien.
Voir les reportages, confidentiels sur Blast « L’enfer de Gaza », cliquer ici pour l’avoir en direct.
Il ya aussi celui « Une année en enfer » passé en fin de soirée sur Arte [12]. Ce dernier montre des images édifiantes. Il s’évertue, amnésie aidant, de charger le Hamas, tout en oubliant qu’avant le 7 octobre 2023, il y avait le 6, le 5, le 4, le 3 … soit 27740 jours d’une injustice structurelle devenue génocidaire.
Réf Amnesty International[13] les destructions son massives.
Voir Annexe 1.
Appeler au Droit International
Cet appel légitime donne une bonne conscience avec une façade de démocrate. Néanmoins, une fois exprimé, l’appel se recouvre d’une chape. Elle fait place à l’inaction.
Dans ce registre, déni et posture de façade, la France oublie qu’Israël est le champion du monde des condamnations pour non-respect du droit international, plus de 70 à ce jour. Cela avait commencé dès 1948 malgré les résolutions de l’ONU et les cessez-le-feu par des tueries, des annexions, des faits accomplis, voir les longues listes dans la chronique « Gaza, le culte de l’impasse du sionisme[14], puis les résolutions de 1956, 1967, 73, ….
L’impunité règne sous anesthésie. Cela permet de laisser croire qu’un jour peut être Israël, en l’état, se mettrait à respecter le droit international.
Demander le cessez-le feu
En demandant le cessez-le feu tout en se sachant impuissant à l’obtenir, la France incarnée par son Président et son gouvernement, se donne le sens du « devoir accompli ».
Ce faisant, les médias, les leaders d’opinion et autres analystes oublient que la violence en cours n’a pas démarré le 7 octobre 2023, mais le 6, le 5, le 4, le 3 … en fait jour après jour depuis 1948. Ces penseurs oublient les nombreuses villes et localités annexées par Israël en plein cessez-le-feu, et dans le cadre des accords de paix signés à Oslo : Omm Rash Rash devenu Eilat et Ber Sheva dans le sud, les fermes de Shebaa au Nord, le Golan au nord-est, Jérusalem-Est au centre, la Cisjordanie déjà illégalement colonisée et en cours d’annexion, etc.
Comment sortir la France de son anesthésie & amnésie ?
A quoi ça sert de s’anesthésier et d’oublier ?
Cela se saurait si faire l’autruche où cacher la poussière sous le tapis réglait les problèmes.
En attendant, Israël poursuit l’éradication du Peuple Palestinien et son emprise régionale. Et, la France tourne en rond dans la propagande et les fausses-barbes illustrées dans cette chronique.
Alors, la sortie de l’impasse anesthésiante ne passerait-elle pas par :
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Pointer la source de cette fuite dans l’oubli : les complexes post-coloniaux, post-shoah, l’antisémitisme épinglé, les alliés traditionnels, la mise sous-tutelle des puissants, la victimisation qui implique la culpabilité …
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Avoir le courage de contredire la pensée générale, celle résultant du lavage de cerveau,
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S’engager dans la contribution au changement de paradigme.
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Commencer par des choses simples, tel que
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La réorientation des quarante-trois jumelages avec les villes israéliennes pour faciliter une rentrée scolaire digne pour les 800 000 enfants palestiniens. Pour l’instant, ils errent dans les ruines sous la menace de Tsahal,
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Orienter les douze jumelages avec les villes Palestiniennes en Cisjordanie sur des projets culturels, sportifs, éducatifs, humanitaires,
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Œuvrer pour une remise en cause et une transformation du leadership et de la gouvernance israélienne, et palestinienne.